Il était une fois…
…Mélanie, 27 ans, chef de produit depuis 4 ans et qui excelle dans son poste. Ce matin, son supérieur hiérarchique vient de lui apprendre une excellente nouvelle : elle est promue Responsable Marketing et aura dans son équipe 8 personnes à manager. « Vous commencez dès lundi, Mélanie. Je vous fais confiance, vous avez les épaules pour vous en sortir. C’est une étape naturelle dans la carrière de tout collaborateur compétent et engagé, comme vous » a-t-il conclu, en lui serrant vigoureusement la main.
Tout sourire, Mélanie a remercié chaleureusement. Si elle n’avait pas su se contenir, elle aurait sauté de joie. Elle brûlait d’envie de l’annoncer à ses collègues, mais elle s’est retenue. Une heure plus tard, une boule est installée au creux de son estomac. « Ce n’est pourtant pas l’heure de déjeuner » se dit-elle, en regardant sa montre… Elle réalise alors que cette promotion l’inquiète, qu’elle hésite, qu’elle aurait besoin de réfléchir, mais on ne lui en laisse pas le temps. Va-t-elle s’en sortir ? Après tout, elle n’a jamais managé qui que ce soit… mais, de toute façon, se gronde-t-elle intérieurement, « est-ce que tu as vraiment le choix ? Tu ne peux pas refuser ! Ça ne se fait pas… »
Bref ! Lundi, elle devra manager ceux qui, aujourd’hui encore, sont ses pairs, pour certains ses amis en dehors du travail, depuis 4 ans.
Manager accidentel
Cette petite histoire, peut-être l’avez-vous vécue, vous aussi ?
Car, ce phénomène est plus courant qu’on ne le croit. D’ailleurs, il porte même un nom : le « manager accidentel ». Ce terme désigne ces managers qui ont été promus sans avoir été formés, accompagnés… ni même, parfois, consultés.
De récentes études RH s’en inquiètent, notamment celle de Robert Walters réalisée en 2024 (600 cadres français interrogés) : on y apprend par exemple que 35% des managers participant à l’enquête n’ont reçu aucune formation avant de prendre leur poste.
Cette « promotion accidentelle » pose question : Peut-on manager efficacement sans y avoir été préparé ?
Cet article vise à ouvrir le débat :
· Pourquoi certaines promotions vers le management peuvent fragiliser plutôt que valoriser ?
· Quels risques pour l’individu, l’équipe, l’organisation ?
· Quelles pistes concrètes pour mieux accompagner ces transitions souvent délicates ?
Une promotion pas toujours choisie
Comme le montre l’exemple de Mélanie, lorsqu’on promeut, on confond parfois expertise métier et compétences managériales. Or, être un expert dans son métier, cela ne garantit en
rien l’aptitude à piloter une équipe. Le management est un métier à part entière, avec ses propres exigences, savoir-être et savoir-faire…
Certains collaborateurs acceptent ce nouveau rôle par loyauté, pression sociale ou crainte de dire non. Pourtant cette décision n’est pas toujours alignée avec leurs envies profondes ni leurs aptitudes relationnelles.
Et ce qui complique les choses, c’est que souvent, le collaborateur a été promu en interne sans passer par les filtres habituels d’un recrutement externe. Sa posture managériale, son leadership notamment n’ont pas été évalués, de même que ses motivations.
On le place donc en position de responsabilité, sans lui en donner les clés, ni même les codes.
Les conséquences
Selon l’étude Robert Walters précédemment citée :
· 14 % des managers interrogés disent avoir éprouvé le syndrome de l’imposteur
· 15 % se sont sentis surchargés de travail
· 27 % déplorent un manque de soutien ou de moyens
Autrement dit : un grand nombre des managers interrogés a vécu ce changement de fonction comme… une montée en pression plutôt qu’une montée en compétence.
Pour le collaborateur promu manager
Difficile, dans ces conditions, de gagner la confiance de son équipe, de poser un cadre clair, ou encore de gérer les tensions. Le manager inexpérimenté peut avoir du mal à faire évoluer sa posture : il peut continuer à « faire » (posture dans laquelle il se sent à l’aise) au lieu de « faire faire » ; il peut éviter les conflits par peur de déplaire, ou surcompenser par un excès de contrôle. Enfin, il peut éprouver un sentiment d’illégitimité et de solitude.
Pour son équipe
Lorsque le manager n’est pas à l’aise dans sa fonction, c’est toute l’équipe qui en subit les effets :
· Dissonance dans les décisions
· Perte de repères pour les collaborateurs
· Tensions relationnelles, mal-être, désengagement
· Difficultés de coordination avec les autres services
· …
À l’échelle de l’organisation, cela peut nuire à la performance globale et au bien-être au travail, mais aussi fragiliser la culture managériale.
Être manager, ça s’apprend.
Oui, manager, ce n’est pas inné : on ne manage pas (en général) sans le savoir ou le vouloir, au contraire du célèbre Monsieur Jourdain et de sa prose !
Il ne suffit donc pas d’avoir de l’expérience métier ou du bon sens pour devenir un bon manager. Comme tout métier, cela demande des qualités et compétences spécifiques, et bien sûr… la volonté de l’exercer !
Un changement de rôle
Passer du statut de pair à celui de manager bouleverse les équilibres : il faut apprendre à poser un cadre, à fixer des objectifs, à donner du feedback — parfois à d’anciens collègues.
Ce changement suppose une capacité à :
· Communiquer autrement (formuler clairement, écouter activement, recadrer sans blesser…) ;
· Gérer des personnalités différentes, parfois des tensions ;
· Accompagner les transformations internes ;
· Prendre en compte la dimension intergénérationnelle ;
· Faire preuve de leadership et d’exemplarité…
Ce ne sont pas des qualités réservées aux extravertis ou aux « chefs nés ». Ce sont des compétences qui se cultivent.
Identifier les futurs managers
Repérer les potentiels managériaux suppose de « regarder autrement » :
· Qui sait faire preuve d’écoute dans une équipe ?
· Qui sait fédérer autour d’une idée, accompagner un collègue en difficulté, gérer un conflit calmement ?
· Qui a envie d’aider les autres à grandir ?
· …
Des outils comme :
· les assessments (mises en situation, jeux de rôles),
· les entretiens annuels ou professionnels, orientés développement de carrière
· les matrices des 9 cases (performance vs potentiel)
· des processus de recrutement interne structurés, avec des critères explicites pour les postes à responsabilité,
permettent d’identifier et d’évaluer les profils avec un vrai potentiel de leadership, même si ce ne sont pas les plus experts dans leur domaine.
L’accompagnement du collaborateur devenu manager
Comme nous venons de le voir, devenir manager, c’est apprendre un nouveau métier. Un manager débutant a besoin qu’on lui dise clairement : « Tu as le droit d’apprendre. Tu n’as pas à tout savoir tout de suite. »
Un bon accompagnement pourrait inclure :
· Des formations ciblées : posture managériale, gestion des conflits, conduite d’entretiens, animation de réunion, etc.
· Des temps de codéveloppement entre pairs, pour partager les bonnes pratiques et les difficultés.
· Du mentorat ou du tutorat managérial, avec des managers expérimentés.
· Des ressources opérationnelles (guides, checklists, process) pour ne pas partir de zéro.
Cela s’inscrit dans une logique de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et d’accompagnement à la montée en compétences. Car accompagner les managers, c’est aussi s’engager dans un management durable, aligné avec la culture et les ambitions de l’entreprise.
Quelles autres pistes d’évolution ?
Oui, mais alors, pour les collaborateurs qui ne souhaitent pas / ne peuvent pas évoluer vers la fonction de manager : quels autres choix a-t-on pour valoriser leurs talents ?
Peut-être, d’autres façons de reconnaître une expertise sans passer par la case « management » sont à envisager, comme :
· Le mentorat ou le tutorat auprès de nouveaux arrivants ;
· Le rôle de formateur interne ou de référent technique ;
· La reconversion, la mobilité interne
· …
Ces alternatives permettent de fidéliser, de faire progresser… sans forcer des collaborateurs vers une fonction qu’ils n’ont ni souhaitée, ni choisie.
Et si on repensait la promotion ?
Devenir manager n’est ni une récompense, ni une évidence. C’est un changement de posture, un nouveau métier, parfois même une reconversion.
Repenser la manière dont on choisit, forme et accompagne les managers, c’est agir à la racine du fonctionnement d’une organisation.
C’est aussi envoyer un message fort : le management est un vrai métier, exigeant, et qui mérite reconnaissance et préparation.
Et vous, avez-vous déjà été confronté(e) à une telle situation ? Si on vous le proposait, vous sentiriez prêt(e) à endosser un rôle de manager ? Votre entreprise dispose-t-elle d’un parcours d’accompagnement dédié ?
Parlons-en. Notre équipe conçoit des dispositifs sur mesure pour accompagner les trajectoires managériales, dès les premiers pas. N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus.
L’équipe Inside,
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